Démission surprise
Début février, le future nouveau pape ne devait, même pas en rêve, se voir pape dès Pâques 2013. Benoit XVI a surpris tout le monde par sa démission, chose qui n’était plus arrivée depuis … 598 ans !
Il existe peu de cas de démissions : Benoît IX (1012-1055) en 1045, Grégoire VI (?-1048) en 1046 et Grégoire XII (1325-1417) en 1415 l’ont fait pour des raisons politiques, Célestin V (1209-1296) de son propre chef (1294).
On pourra dorénavant ajouter à cette liste Benoît XVI., y compris à la liste des papes allemands après, là aussi, une éclipse de huit siècles et demi.
Né en 1927 dans une famille modeste de Bavière (Allemagne), Joseph Ratzinger est ordonné prêtre en 1951.
De 1958 à 1977 il est professeur de théologie à Freising, Bonn, Münster, Tübingen, puis Regensburg (Ratisbonne). Pendant ce temps il assiste le cardinal-archevêque de Köln (Cologne) lors du concile Vatican II (1962-1965).
En 1977 il est nommé archevêque de München et Freising, cardinal en 1981, puis préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi à Rome. Comme tel il sera LE théologien du pape, écrivant certaines des encycliques de Jean-Paul II.
En 1992 l’Institut de France l’élit comme membre associé étranger à l’Académie des sciences morales et politiques. Il parle d’ailleurs un très bon français.
En 2005 il est élu pape sous le nom de Benoît XVI.
Ratzinger a publié de nombreux ouvrages de théologie, même une fois pape.
Comment en est-on arrivé à un pape ?
Au 2ème siècle, l’Eglise a connu une grave crise interne avec des hérésies et des schismes (Gnostiques, Marcion, Montanisme), mais aussi externes (hostilité ambiante, persécutions).
Pour y faire face on n’a pas su résister à la tentation de donner à l’épiscopat un caractère « monarchique » qui reposerait sur une chaîne de « succession apostolique ».
L’évolution alla ensuite, au cours du 3ème siècle, vers la formation en Orient de « métropoles » avec un métropolite, en Occident d’archevêchés avec un archevêque.
Rome, Alexandrie et Antioche en étaient les plus réputées, mais aussi Carthage, Césarée, Héraclée et Ephèse.
La réputation de l’archevêque de Rome venait de ce que c’était la capitale historique de l’Empire, à cause de la taille et de la richesse de sa communauté chrétienne et parce qu’elle était effectivement soucieuse du bien-être matériel et doctrinal du reste de la chrétienté.
Mais il n’était pas question de primat (rôle prépondérant) de Rome. Ainsi, Irénée de Lyon s’est opposé à l’évêque de Romme au 2ème siècle, et un autre évêque de Rome dut céder à Cyprien en 257.
Le 4ème siècle ne connaît pas encore de « primat romain », mais cela allait changer pour différentes raisons.
Rome a toujours eu tendance à se considérer comme gardien de l’orthodoxie (la vraie foi).
Quand Constantin le Grand déplaça la capitale de Rome vers l’Orient, à Byzance (Constantinople), l’évêque de Rome s’est retrouvé le personnage le plus important d’Occident.
La lente tendance vers une structure hiérarchique (évêchés, archevêchés, patriarcats) a vu disparaître le patriarcat d’Alexandrie (politique, puis invasion arabe) et celui de Constantinople était sous la botte de l’empereur. Restait Rome.
Le développement du culte des saints entraîne aussi l’accroissement de l’aura de Pierre et de ses prétendus successeurs, les évêques de Rome. Mais au 4ème siècle, les synodes qui se réunissent ne connaissent toujours pas de « primat de Rome ».
Néanmoins les évêques de Rome y travaillent. Damase 1er (366-384) est le premier à parler de « siège apostolique », Innocent 1er (402-417) de « recteur de l’Eglise de Dieu ». Au 5ème s. les évêques de Rome commencent à s’attribuer le titre de « grand Pontife » titre d’origine païenne (faire le pont entre les dieux et les hommes) ; mais jusqu’en 450, c’est le patriarcat d’Alexandrie qui occupe la première place.
Grégoire 1er le Grand (590-604) est à l’origine de la puissance temporelle des papes en Italie. Les biens héréditaires de la papauté commencent à s’étendre, embryon du futur Etat papal. C’est aussi à partir du 6ème s. que se développe la dévotion à l’apôtre Pierre et l’estime grandissante du pape en tant que « successeur de Pierre ».
Grégoire 1er le Grand (590-604)
Avec la conversion des Germains, l’évêque de Rome gagne en prestige, mais n’a pas encore d’autorité juridique sur l’Occident. Quand Charlemagne unit l’Occident, c’est l’Eglise franque qui s’étend sur l’Occident, pas l’Eglise papale. Pour cela, il faudra attendre la chute de l’empire carolingien.
Au 11ème s., l’influence de la papauté va grandissante (déposition d’évêques, excommunication de l’empereur, etc.). Le pape se déclare maître incontesté et absolu de l’Eglise universelle, même maître souverain du monde (il porte les insignes impériaux, se fait embrasser les pieds par princes et empereurs, donne à Guillaume de Normandie la bénédiction pour conquérir l’Angleterre).
Il y aura tout le temps des tensions entre les prétentions de la papauté et les puissances (par ex. certains rois de France, Napoléon, mais aussi Charles-Quint ou Bismarck, etc.).
Au 19ème s. la papauté perdit ses prétentions politiques (limitées à la Cité du Vatican à Rome), mais réussit à faire adopter par le 1er Concile du Vatican la doctrine du « magistère infaillible du pontife romain » de droit divin (18 juillet 1870).
Le nouveau « Catéchisme de l’Eglise catholique » (1992), enseigne : « Le Pontife romain a sur l’Eglise, en vertu de sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de toute l’Eglise, un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours librement exercer. » (CEC 882)
« Le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit de cette infaillibilité du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi, il proclame par un acte définitif un point de doctrine touchant la foi et les mœurs. » (CEC 891)
Que faut-il en penser ?
Ceux qui possèdent « les Confessions de l’Eglise luthérienne » peuvent lire dans les « Articles de Smalkalde » (2ème Partie) l’article 4 sur « la papauté », ou encore le court traité sur « Le pouvoir et la primauté du page ».
Dans ce dernier, on peut lire :
« Lc 22.24-27 : le Christ interdit expressément une domination entre les apôtres. » (464)
« Ga 2 : Paul affirme clairement qu’il n’a été ni ordonné ni confirmé par Pierre ; il ne lui reconnaît nulle qualité pour qu’on lui demande confirmation. » (465)
« 1 Co 3.4-8 et 22 : Paul met les ministres à égalité et enseigne que l’Eglise a la supériorité sur les ministres. […] Ni Pierre ni les autres ministres n’assument une supériorité sur l’Eglise. » (466)
« 1 P 5.3 : Personne ne doit dominer dans le clergé. » (466)
« L’évêque est élu par le peuple présent. […] l’épiscopat lui fut conféré par le vote de tous les frères et le jugement des évêques qui étaient venus se joindre à l’assemblée, puis on lui imposa les mains. Cyprien [3ème s.] qualifie cette coutume de “tradition divine” et de “préceptes apostoliques”
[…]. L’ordination et la confirmation n’étant pas, sur la plus grande partie de la terre, demandées à l’évêque de Rome dans les Eglises grecques et latines, il est donc assez évident que celles-ci n’attribuaient pas alors de supériorité ni de domination à l’évêque de Rome. » (468)
« On convoqua et on tint dans l’Antiquité beaucoup de synodes auxquels l’évêque de Rome ne présida pas, tels celui de Nicée. » (470)
« Ce que le Christ dit ici [Mt 16.18ss] au singulier [à Pierre] (“Je te donnerai les clés … Ce que tu lieras …”) est dit ailleurs [Mt 18.18] au pluriel : “Ce que vous lierez, etc.…” » (471)
« Le Christ attribue les clés souverainement et sans intermédiaire, à l’Eglise ; de même, et pour cette raison, l’Eglise détient, souverainement le droit de vocation » (471), le droit d’appeler des pasteurs.
« Le ministère du Nouveau Testament n’est pas lié à des lieux et à des personnes comme le sacerdoce lévitique ; il est dispersé sur toute la surface de la terre ; il est là où Dieu accorde ses dons […]. Ce ministère ne tire pas sa valeur de l’autorité d’aucune personne, mais de la Parole transmise par le Christ. » (472)